Cette théière est acquise en 1961 par Claude Presset, alors collaboratrice du Musée d’ethnographie de Genève, elle-même céramiste et spécialiste de ce type d’artisanat au Japon. Le fait de pouvoir déterminer avec certitude la traçabilité d’une pièce rare dans les collections européennes est précieuse pour le musée, et d’autant plus importante que la théière est produite par l’atelier du célèbre maitre-potier Hamada Shoji, désigné trésor national vivant par le gouvernement japonais en 1955. À cette date, Hamada est déjà une figure centrale du Mouvement des arts populaires japonais et un défenseur infatigable des savoir-faire manufacturiers japonais. La présence d’un « objet d’arts décoratifs » dans un musée d’ethnographie ne doit pas surprendre. Le Mouvement a eu une influence immense sur le parcours de la discipline anthropologique au Japon et sur la valorisation scientifique et esthétique d’artefacts du quotidien de l’archipel. Quoique parfois concurrent de la jeune ethnologie japonaise, le Mouvement s’associe régulièrement aux sociétés savantes d’ethnologues pour mener des campagnes de collecte dans le monde rural. Quant à la présence de la pièce en Suisse, celle-ci s’explique d’une part par le succès d’une première exposition de céramique populaire japonaise au Musée d’ethnographie en 1955 et d’autre part par le fait que le Mouvement des arts populaires, et Hamada Shoji en particulier, étaient devenus dès le milieu XXe siècle des interlocuteurs privilégiés des ethnologues occidentaux en visite dans l’archipel.