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King, Scott (East Yorkshire/Grande-Bretagne, 1969)


Ever get the feeling that you've been cheated?, 1999
Affiche
Impression laser sur papier Disque ZIP
Dimensions: 164 x 124 cm (image); dimensions: 177 x 137 cm (feuille)
Acquis en 2000

[n° inv 2000-040]

Collection du Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC)



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Crédits photographiques : GVA Studio
 

Scott King utilise le graphisme pour son caractère et sa vigueur tant populaires que stratégiques, il en détourne les codes et la finalité pour révéler les dysfonctionnements d'un système que ce médium, de par sa fonction première, serait supposé servir. Combattre le système en se servant des moyens mis en œuvre pour le promouvoir, telle pourrait être la devise de l'artiste. Cette prise de position envers un certain graphisme, au service d'une économie de marché, se définit le plus souvent par une ligne formelle pure, minimale, par laquelle King prend le contre-pied des stratégies visuelles et lexicales visant à appâter, a fortiori à abuser un consommateur potentiel.
La grande force du travail de Scott King réside dans le mélange de sources (idéologiques, culturelles, iconographiques, textuelles) différentes, voire diamétralement opposées, pour les confronter, les faire interagir, prêtant ainsi non seulement à un questionnement quant au statut de l'objet donné à voir et à sa place dans le domaine artistique, mais plus largement à un commentaire souvent détourné et toujours critique de la société contemporaine.
" "Ever get the feeling that you've been cheated ?" – "Vous avez jamais eu l'impression de vous faire avoir ?" Ces mots célèbres, jetés le 14 janvier 1978 au public du Winterland à San Francisco par Johnny Rotten alors qu'il quittait la scène, étaient plus un aveu qu'une véritable question. Johnny, pourtant leader du groupe le plus dangereux du monde, arrivait à saturation : il était écœuré par la musique des Sex Pistols, fatigué de son personnage de "Rotten" et consterné par la tournure que prenait le mouvement punk. Le Winterland marquait la fin de l'aventure mouvementée de la première tournée américaine des Pistols. Quelques jours après, le groupe éclatait dans la confusion et les rancœurs." (Simon Reynolds, "Rip it up and start again", Paris, Ed. Allia, 2007, p. 33)
Cette phrase, marquée autant de désillusion que d'agressivité ou de provocation, donne le ton et le titre à la pièce réalisée conjointement en 1999 par Scott King et Matthew Worley, écrivain, essayiste et historien anglais . Cette œuvre s'inscrit dans un projet plus vaste de publications autogérées et menées de concert depuis 1997 sous le titre "CRASH ! [Creating Resistance Against Society's Haemorrhoids]". Revue, fanzine, affiche, autocollant, insert ou campagne publicitaire , "CRASH !" apparaît comme un laboratoire d'idées et de formes dans lequel la visée et la portée du graphisme sont détournées, voire subverties, au service d'une réflexion sociale, politique et culturelle.
Rédigé par Matt Worley et composé par Scott King, "Ever get the feeling that you've been cheated ?" se présente comme un véritable manifeste "CRASH !". Divisée en quatre parties (Travail – Société de consommation – Démocratie – Récupération de l'appareil critique et corruption de l'esprit d'analyse), cette affiche livre le portrait, fondu au noir, d'une société (anglo-saxonne) fin de siècle, happée par une économie de marché outrancière et maintenue dans une aliénation culturelle par un système démocratique vénal, vendu au plus offrant.
Ce portrait sombre et désespéré n'est toutefois pas dénué d'humour – ce trait d'esprit si britannique qui mêle satire et absurde – et, par ce biais, donne lieu à un pamphlet dans lequel sont convoqués indifféremment des figures de l'histoire politique (Staline, Sheila Rowbotham, célèbre socialiste féministe en Grande-Bretagne) et du monde musical (Johnny Rotten, Earl Brutus, The Smiths, Nicky Tesco, anciennement chanteur de The Members, ou Ian Brown) pour faire écho ou fournir un contrepoint aux arguments avancés par l'auteur.

Stéphane Cecconi