A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
 
4/5: Résultat précédent Résultat suivant

Antille, Emmanuelle (Lausanne/Suisse, 1972)


Wouldn't it be nice, 1999
Vidéo monobande
Vidéo Digital Betacam, PAL, couleur, stéréo
Format de l'image vidéo: 4:3; Durée : 13'16''
Acquis en 2019

[n° inv 2019-051]

Collection du Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC)



>> Autres oeuvres
>> BibliographieAA : Le lien ouvre la bibliographie en fin de page.
>> Imprimer

 

"La plupart des vidéos réalisées par Emmanuelle Antille sont des mises en scène interrogeant la nature des comportements et des relations interindividuels dans différents contextes sociaux.
Wouldn't it be nice prend pour cadre une réunion familiale à l'occasion d'un déjeuner réunissant trois générations. Un «film de famille» tourné avec les propres membres de la famille de l'artiste (et elle-même), mais qui s'engage d'emblée, par le biais du montage, dans une construction fictionnelle s'attachant aux retrouvailles de deux soeurs jumelles, et à leurs relations ambiguës. «Une relation que nul ne pouvait clairement nommer […] au-delà des clichés et des conventions (il ne s'agit pas vraiment d'amour, d'amitié, de douleur, d'inceste)», écrit Emmanuelle Antille.
Dès le début du film, l'action se décompose en plans très rapides, qui se succèdent abruptement. La caméra se focalise sur des gestes ténus, à peine esquissés ou avortés (une main qui se pose sur une cuisse, aussitôt balayée d'un revers de bras ; une main qui prend et laisse délibérément tomber son verre), sur des gestes d'attraction et de répulsion systématiquement associés (les embrassades).
Si la nature des relations entre les membres de la famille reste allusive, les actions des personnages sont à l'inverse exacerbées dans leur violence et leur incongruité : une outrance des comportements qui rend ambigu leur statut, entre débordement pulsionnel, jeu rituel et symbolique. Le montage parallèle du film suit plusieurs personnages, alterne les scènes de groupe où, tant bien que mal, la préparation du déjeuner suit son cours, et les moments où les individus se replient dans l'intimité de la chambre.
Les personnages opèrent ce double mouvement d'isolement et de retour dans le groupe normatif. Isolés, leurs comportements deviennent davantage pulsionnels : une des filles frotte de sa tête les bords de son lit, les soeurs jumelles se touchent, entre massage, caresse et préparation au combat.
Le montage alterne des plans épousant une durée (une fille qui se déshabille dans sa chambre) et des plans très courts, fulgurants, gros plans toujours accompagnés de bruits de matière amplifiés (grattements, frottements, froissements…). Ces plans s'articulent entre eux par des sortes de déflagrations d'images et de sons, comme une brusque reconstitution de la simultanéité, de la contiguïté des espaces-temps des différentes séquences. En plaçant le noyau familial au coeur des dispositifs pulsionnels des individus, Emmanuelle Antille situe son film sur un terrain d'interprétation freudien, mais développe aussi une critique de la famille comme ensemble de coercitions tacites, comme lieu du refoulement et des frustrations.
Entre La Grande Bouffe de Marco Ferreri, où le repas, symbole de rassemblement et de compromis, devient le lieu de débordement des pulsions, et Festen de Thomas Vinterberg, où le groupe policé se fissure sous le poids du non-dit, Wouldn't it be nice résiste à la tentation de l'explicitation et propose une narration irrésolue, où les faux mouvements des corps l'emportent sur la parole."
(Source : François Piron, lien externe)