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Brandenburg, Ulla von (Karlsruhe/Allemagne, 1974)


Anatoli Durow, 2015
Collage
Papier trouvé découpé, encre de Chine sur papier
Dimensions: 88 x 73 cm (sans cadre); dimensions: 96 x 81 x 3.5 cm (avec cadre)

Acquis en 2016

[n° inv 2016-033]

Collection du Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC)



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Crédits photographiques : Thomas Merret
 

Ulla von Brandenburg
Née à Karlsruhe en 1974, Ulla von Brandenburg réside aujourd'hui à Paris. Etudiante en scénographie dans sa ville natale, elle poursuit ses études à l'Academis des Beaux-Arts de Hambourg où elle obtient son diplôme en 2004. Auteure d'une œuvre abondante et diversifiée, l'artiste allemande jouit d'une reconnaissance internationale dans le milieu de l'art contemporain et a été maintes fois saluée par la critique. En 2016, elle reçoit le Prix Marcel Duchamp.
A côté des installations et montages – rideaux, objets scéniques, chapiteaux –, dont fait partie "Death of a king" (2012), rampe de skatepark aux couleurs d'Arlequin exposée au Palais de Tokyo, la pratique artistique de Brandenburg s'exprime à travers de nombreux médiums, tels que le cinéma, la peinture murale ou l'aquarelle, qui explorent un univers chorégraphique, constitués de scènes de théâtres, de portraits d'artistes et metteurs en scène ou de processions carnavalesques, sur fond d'étrangeté et d'onirisme. Multipliant les références artistiques – du dadaïsme au surréalisme, en passant par l'art brut ou l'architecture –, puisant dans la psychanalyse et les symboles « forts » – tels le miroir et les jeux d'ombre et lumière –, le travail d'Ulla von Brandenburg sonde les arcanes de l'existence aux confins de la fiction et de la réalité, du sensible et de l'imaginaire, de vie et de la mort pour comprendre la nature et le rôle de l'homme dans le « grand théâtre du monde ». « Qui sommes-nous ? Quels rôles jouons-nous ? Quelle valeur donnons-nous à nos existences ? » sont autant de questions qui prennent tout leur sens en face d'une société marquée par les inégalités sociales, l'individualisme, la violence. Dès lors, le rêve, le folklore, ou le rite collectif, sans cesse invoqués dans le travail de Brandenburg, constituent peut-être des morceaux de vérité, des esquisses de solutions pour un monde plus authentique et harmonieux.

"Anatoli Durow" (2015), n° inv. 2016-033 :
Quelques années après ses portraits de Tchekov – "Chekov I" et "Chekov II" (2009) – et de "Sergei Diaghilev" (2009) révélant l'influence de la scène culturelle slave sur son œuvre, Ulla von Brandenburg rend ici hommage à Anatoli Durov (1887-1928), dresseur d'animaux dont les tournées en Europe et aux Etats-Unis ont assis la réputation du cirque russe dans le monde entier. Avec Anatoli Durow, l'artiste allemande ajoute une pierre à un édifice artistique hétérogène et polymorphe et poursuit l'exploration du monde de la scène et du spectacle pour interroger les rapports entre réel et imaginaire, conscient et inconscient, visible et invisible qui traversent nos existences, dans le continuum d'une réflexion qui nourrit toute son œuvre.
Reprenant un sujet de fascination, celui du cirque, déjà au centre d'œuvres précédentes comme "Bühne II" (2006) ou "Mann mit Bär" (2013), ce collage frappe par son caractère insaisissable et l'hésitation entre réalisme et abstraction qui le traverse. Alors que l'application de l'encre de Chine sur papier recyclé dénote le passage du temps et l'historicité du personnage représenté dans un format qui ne va pas sans évoquer la photographie, la technique utilisée permet en même temps, et de façon presque paradoxale, de rompre l'harmonie de l'ensemble. A mesure qu'on l'observe, la composition fait surgir de nouvelles formes, tel un visage de chien, apparaissant dans le manteau du personnage, alors que la figure féline, postée sur la chaise à droite, disparaît dans l'intensité du noir. En dépit de sa fixité, renforcée par l'insistance des regards dirigés vers l'observateur et son cadrage resserré qui se referme sur les personnages, l'œuvre refuse une lecture unique : selon la perspective empruntée, la pose singulière d'un artiste avec ses animaux prend d'ailleurs des airs de « portrait de famille », où l'on est tenté d'imaginer les contours d'une silhouette féminine ou de voir se substituer aux singes des enfants dissipés ou un nouveau-né, issu du « blanc » laissé au cœur de la composition.
Loin de faire barrière à son interprétation, la confusion constitue la grande force du dessin : l'opacité des personnages, l'hybridation des genres – entre portrait classique et collage surréaliste –, opèrent un coup de force esthétique et font d'Anatoli Durow une œuvre étrange, qui brise les apparences et fausse les impressions, de façon à ouvrir le réel et à en sonder les possibles.

Arnaud Wydler