Lippert, Beat (Lausanne/Suisse, 1977)

Mi-ironique, mi- sérieux, le titre de cette estampe attire l'attention sur deux aspects essentiels de la démarche de Beat Lippert : le voyage, lié à la culture et l'exotisme ainsi que l'importance du travail en collectivité. La participation à des workshops fait partie intégrante de sa création et lui permet d'aborder des problématiques sociales et culturelles.
Ce tapis volant est intégré dans une série de cinq estampes et est le résultat d'une résidence à laquelle l'artiste a participé en 2016 lors d'un séjour en Abkhazie, un état ayant déclaré son indépendance de la Géorgie en 1992 au prix d'une longue guerre civile. Comment, en tenant compte de leur histoire, pouvait-il entrer en contact de manière sensible avec les autochtones ? Beat Lippert prend le parti d'utiliser le vecteur du jeu pour faciliter et nouer des liens sur place. Il organise un tournoi de pétanque et conçoit le terrain avec des matériaux locaux, en recouvrant le sol de tapis trouvés sur place. La combinaison de motifs orientaux, de même qu'occidentaux sur ces tapis ne fait que conforter Beat Lippert sur la pertinence de son choix. Son séjour touchant à sa fin, il décide de transmettre son expérience via des artefacts : à partir de tapis, envisagés comme objet autant que motif, il crée un corpus d'œuvres, comprenant notamment une table de jeu de billes ainsi qu'une série de sculptures, des « tapis-volume ». Pour la série présentée ici, il a recours à la technique du transfert, dans laquelle le motif est physiquement transposé d'un support papier à l'autre, grâce à des substances chimiques et une pression. Sur ces feuilles volantes, les tapis n'en deviennent que plus légers et, libérés de tout encadrement, ils esquissent un clin d'œil à l'un des clichés les plus communs de l'exotisme moyen-oriental. La densité des liens personnels tissés pendant ce séjour vient renforcer le sentiment de liberté qu'évoquent ces images de tapis volants.
Yves Christen