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O'Neill, Amy (Beaver, PA, 1971)


The 2nd Coming of the Great Purple One with Maggot Munchers, 2003
Installation
Bois (stand), armes gonflables, ampoules électriques, tickets imprimés, figurines en tissu, quarante cinq dessins, mine de plomb et encre de Chine sur papier, présentoir en aluminium (dessin)
Dimensions: 100 x 50 cm (stand); dimensions: 50 x 40 cm (chaque dessin); dimensions: 250 x 240 cm (grands éléments du stand)

Acquis en 2004

[n° inv 2004-001/1 à 46]

Collection du Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC)



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Crédits photographiques : Centre d\'art contemporain, Genève
 

Amy O'Neill est née en 1971 à Beaver, en Pennsylvanie et travaille aujourd'hui à Brooklyn. En puisant dans la culture vernaculaire américaine et son folklore régional, elle élabore des reconstitutions critiques – entières ou fragmentaires – d'éléments ou d'événements participant de cet imaginaire, autant sous forme de dessins, que de sculptures, de vidéos ou d'installations. En s'attaquant de surcroît à des éléments-clefs de la culture populaire du milieu du XIXe au XXe siècle, l'artiste explore les références encore très présentes dans les mœurs et l'inconscient collectif des États-Unis, puisqu'elles convoquent les valeurs ou les mythes américains comme celles du pionnier, de la nature sauvage, de la souveraineté, ou encore de religion. Ainsi, dans le projet « Victory gardens » (2010-2011), l'artiste a croisé le thème des jardins de l'effort de guerre américain de la seconde guerre mondiale (les « victory gardens ») avec le drapeau des États-Unis pour redoubler l'interdépendance des notions patriotiques, impérialistes et géorgiques que ces jardins sous-tendent.

Par ailleurs, lors de son séjour de sept ans en Suisse, elle a abordé certains aspects culturels helvétiques de la même façon, comme les chalets ou les glaciers, en les observant toutefois du point de vue de touriste américaine qu'elle était, un point de vue qu'elle a pu mettre en relation avec le voyage européen de Mark Twain (1835–1910) et son ami Joseph Twitchell dans les années 1880.

Il faut noter que le travail de l'artiste s'ancre d'abord dans une recherche documentaire sur des éléments de folklore régional, souvent issus de ses propres souvenirs d'enfance. C'est ainsi qu'elle rassemble photographies, cartes-postales, vidéos, publicités, et tout autre document renseignant le sujet ; elle filme également les lieux qui contiennent ces ruines physiques. Ces documents constituent la base de l'œuvre d'Amy O'Neill, qui se décline donc aussi graphiquement. En effet, elle effectue un important travail de re-dessin des documents qu'elle compile, pour en développer souvent (mais pas nécessairement) des installations. Principalement réalisés au graphite ou à l'encre noire, les dessins d'Amy O'Neill soulignent par le noir et blanc le caractère passé de ce qui est redessiné, un caractère d'archive, tout en produisant un effet effrayant. Mais le fait de les redessiner, plutôt que de les photocopier par exemple, indique une forme d'appropriation et de conscience de ce qui est archivé ; peut-être un désir de se ressouvenir. Ses dessins font alors aussi figure de reconstitutions.

La particularité des installations d'O'Neill réside en outre dans l'atmosphère complexe qu'elles génèrent, entre nostalgie et désenchantement, entre célébration et critique. Elles représentent tout d'abord moins l'évènement en soi, que leur ruine ou leur fantôme. La fête est finie, les installations désertes, leurs protagonistes disparus. De plus, il n'est pas rare que l'œuvre soit accompagnée d'une sélection d'archives d'époque, comme des films amateurs, des chansons, des photographies. Le violent contraste entre les ruines elles-mêmes et le caractère animé de cette documentation qui sous- contribue à l'étrangeté de l'effet produit.

L'installation « The 2nd Coming of the Great Purple One » (2003) reproduit un stand de foire, ou ce qu'il en reste, au milieu d'une profusion multicolore de jouets gonflables en partie crevés, de tickets de fête foraine et de guirlandes. On remarque rapidement que cette cabane représente un stand de tir à la carabine que l'on trouve dans les fêtes foraines, comme le laissent suggérer les ballons éclatés et les cibles qui jonchent le sol. On note surtout que les jouets à gagner sont en fait des armes gonflables : mitraillettes, épées, massues, battes, et même mines. Ici, comme dans l'installation « Post-Prom » (1999–2012) où l'artiste avait reproduit un bal de promotion, le spectateur arrive après la fête – ou le drame. Redoublant l'atmosphère à la fois festive et morbide, quarante-cinq portraits de squelettes, les « Maggot Munchers » (littéralement « croque-asticots »), réalisés à l'encre de Chine noire et comme pourtant esquissés sur le vif, ricanent tout autour du cabanon. Les coiffures, les tatouages et les accessoires que portent les crânes renvoient à la fois à certains rituels tribaux et aux sous-genres du rock. On pense ici au groupe de hard rock américain Guns ‘n' Roses, dont les membres se sont représentés en crânes souriants et coiffés sur leur premier album nommé « Appetite for Destruction » (1987) et dont le nom comporte en lui toute l'ambiguïté de la culture rock.

En exposant ces jouets et leur apparente innocuité, Amy O'Neill questionne l'imaginaire ambigu de la violence et de sa manifestation dans la culture américaine. Le titre, par ailleurs, pourrait être lu comme un jeu de mots. L'artiste y glisse en effet une référence à l'article-fiction intitulé « The Coming of the Purple Better One » que l'écrivain et journaliste américain William S. Burroughs (1914–1997) a écrit au sujet des violences policières commises lors des manifestations qui ont eu lieu pendant la Convention nationale démocrate de 1968 à Chicago. Toutefois, en rajoutant un mot et en changeant un autre, O'Neill évoque aussi la culture musicale américaine, puisque « The Second Coming » était un projet avorté de film concert par le chanteur pop et provocateur Prince (1958–2016), dont le surnom a justement été « The Great Purple One ».

Lloyd Broda

Bibliographie & sources :

O'Neill, Amy. Redheaded Stranger. New York : Karma, 2014

O'Neill, Amy ; Nickas, Bob ; Fulford, Jason, Forest, Gardens & Joe's, Paris : Centre Culturel Suisse ; New York : J. & L. Books, 2011

Fromaigeat, Séverine. « Amy O'Neill – Les lieux (dés)enchantés de l'âpre Amérique », pp. 54-59, Kunstbulletin 6/2011, juin 2011

O'Neill, Amy ; Gautherot, Franck. Amy O'Neill, Suburban Imagination. Dijon : Les Presses du Réel, 2007

O'Neill, Amy, novembre 2004, citée dans « Amy O'Neill, Parade Float Graveyard – The Vintage Years, 11 février – 15 octobre 2006 », Le Consortium, Dijon. Site web : lien externe Consulté le 05.03.2018

Grandjean, Emmanuel. « Le Centre d'Art crève l'écran », La Tribune de Genève, 19.07.2003

Pécoil, Vincent. « Amy O'Neill, notre agent au Bunker », pp. 38-40, Kunstbulletin 4/2003, avril 2003

Tony Best, « Prince tapped « godfather of the music video » Chuck Statler to helm the ill-fated film The Second Coming », Waxpoetics. Site web : lien externe Consulté le 09.03.2018

Burroughs, William S.. « The Coming of the Purple Better One », Esquire, pp. 89-91, 01.11.1968

Site web de l'artiste : lien externe