Kleio Obergfell mène une recherche sur l'histoire des techniques, principalement au travers de la photographie et de la vidéo, pour étudier leur capacité à révéler un imaginaire et leur impact sur la mémoire, voire l'inconscient collectifs.
En témoigne son projet photographique Intérieurs (2016-2018) qui a pour point de départ une collection d'anciennes maisons de poupées datant de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 1980, lesquelles étaient destinées à l'éducation des petites filles issues de milieux aisés.
L'une des séries, À l'intérieur (2016), laisse notre regard pénétrer dans ces constructions symboliques où règne une ambiance étrange. Dans Intérieur 1, qui montre un salon à l'opulent décor, un drame semble s'être passé : les rideaux sont froissés, le combiné du téléphone décroché et, surtout, la tête d'un cerf apparaît curieusement à l'arrière d'un fauteuil. Le surgissement de cet élément incongru dans un intérieur domestique bourgeois évoque la photographie dite « spirite », née au XIXe siècle, qui juxtaposait sur une image réelle une autre fantasmatique.
Par le jeu sur l'échelle faussée – la photographie grand format d'un espace réduit – et la mise en scène – les objets disposés, le paysage extérieur visible au travers des fenêtres et le jeu dramatique de la lumière, l'artiste parvient à instaurer un climat d'étrangeté. À cette atmosphère indécise s'associe l'absence de poupées ou de personnages, c'est-à-dire d'instances de figuration, renvoyant ainsi les sentiments qui s'esquissent à notre théâtre intime.
Eveline Notter