Kressig, Andreas (Paris/France, 1971)

Depuis les années 90, Andreas Kressig s'empare d'éléments du réel et les transfigure en autant de visions techno-dystopiques, à la fois désirables et inquiétantes. Les effets de lumières colorées – néons, LEDs – subliment les surfaces, souvent réfléchissantes – paillettes, laque, métal – et diffractent les espaces. Matériaux récupérés ou objets préexistants sont transformés, augmentés, « pimpés » selon un principe audacieux d'obsolescence recyclée. La fonction imaginaire que l'artiste leur confère donne forme à un récit ouvert laissant le public libre de tisser des associations d'idées au gré d'analogies formelles, mentales, lexicales. Ses « improvisations » – terme qu'il préfère à celui d'installations – intègrent les spécificités des sites investis pour mieux s'y insérer, les parasiter.
Issues du démantèlement de la « Tour du Progrès » (2013) – sculpture qui évoquait un gratte-ciel autant qu'un cercueil – les deux faces de « la falaise du progrès » poursuivent ce rapport d'échelle ambigu induit par la référence à une maquette architecturale. En insérant des figurines miniatures dans l'interstice entre deux plaques de plastique préalablement fondues, l'artiste transforme un matériau isolant en une cavité au sein d'une paroi vertigineuse. Isolation sonore, thermique, mais aussi, tel un acte manqué sémantique, isolation sociale, le composant de construction se mue en méta-architecture poreuse et sublime. Chimique et organique, artificiel et naturel sont saisis dans un état transitoire entre fusion et glaciation, sorte d'archéologie anticipatrice d'un capitalisme excroissant.

Maud Pollien