3/5: Résultat précédent Résultat suivant

Schwizgebel, Georges (Reconvilier/Suisse, 1944)


Le ravissement de Frank N. Stein, 1982
Film d'animation
Film 35mm transféré sur fichier numérique HD ProRes, noir et blanc et couleur, stéréo
Format de l'image vidéo: 4:3; Durée : 9'30''
Acquis en 2022

[n° inv 2022-035]

Collection du Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC)



>> Autres oeuvres
>> BibliographieAA : Le lien ouvre la bibliographie en fin de page.
>> Imprimer

 

Tout l'œuvre animé de Georges Schwizgebel repose sur un état de poésie, sur l'expressivité sensible, presque épidermique, de la forme dans sa matérialité, sur la musicalité du rythme visuel, sur l'harmonie des transitions et des métamorphoses, comme une succession d'images acoustiques, celles qui ne se définissent pas, mais qui touchent et qui empreignent. Peut-être est-ce également dans la virtuosité de l'artisan qu'il faut chercher cet état, dans le vertige du travail, dans la production de douze ou vingt-quatre dessins par seconde d'animation, dessins dans lesquels on retrouve la concentration et le savoir-faire du peintre, sa touche picturale si spécifique, fluide et lâchée. Car ici le travail à la main est clairement et précisément défini, jamais caché, il sert de moteur, il trace pour leˑla spectateurˑtrice un parcours dans le mouvement, dans la cadence et dans l'enchaînement des images ; un mouvement qui met à mal le point de vue, toujours (délicieusement) chahuté dans des jeux de perspectives troublants et dans des sensations d'espace, sans cesse redimensionné, trompé et trompeur.
A partir de 1970, date à laquelle il fonde, avec Claude Luyet et Daniel Suter, le studio d'animation GDS, Georges Schwizgebel va employer une technique qu'il finira par adopter exclusivement, le cellulo, une technique traditionnelle dont il aime à jouer des contraintes, notamment en ce qu'elles se rapprochent de celles qui structurent la musique. La corrélation entre musique et image, l'une source de l'autre et inversement, devient centrale dans son travail – outre la question du rythme, du mouvement ou de la composition, c'est également la charge émotive et l'évocation sensible qu'elles transportent chacune, indépendamment et dans leur relation intrinsèque, qui donnent à ces œuvres animées un caractère unique.

Dans "Le ravissement de Frank N. Stein", petit clin d'œil au roman de Marguerite Duras, "Le ravissement de Lol V. Stein", Georges Schwizgebel construit la narration comme une marche qui traverse l'histoire de Frankenstein, de salle en salle, d'une pièce (de puzzle, de mémoire) à l'autre, une marche au cours de laquelle apparaissent subrepticement des moments charnières du récit (le laboratoire du docteur, le Mont-Blanc, le navire sur lequel le docteur Frankenstein est recueilli). C'est la démarche de la créature qui rythme l'avancement dans ce récit, un point de vue subjectif qui finira par se retourner, laissant place à la rencontre des amants, à la projection du film et à notre ravissement.
Dans ce court-métrage l'artiste révèle, sans artifices, le processus de réalisation du film d'animation, mélangeant cellulo, dessins préparatoires numérotés et esquisses crayonnées ; pour le final, qui reprend les personnages cinématographiques de la créature et de sa fiancée, il emploie également la technique du rotoscope, en se servant des prises de vue du film original de 1935 qu'il recopie fidèlement, image par image, par rétroprojection.

Stéphane Cecconi