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Clerc, Fabien (Bogota/Colombie, 1975)


Döner Kebab. Tales of a successful integration , 2022
Installation - sculpture
Grès émaillé, terres mélangées
Dimensions : 60 x 30 x 30 cm (hors tout, kebab); dimensions : 17.5 x 20 x 20 cm (socle); dimensions : 107.5 x 56 x 72.5 cm (hors tout, sculpture); dimensions : 107.5 x 56 x 72.5 cm (hors tout, machine)

Acquis en 2023

[n° inv 2023-026]





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Crédits photographiques : Raphaëlle Mueller, Genève
 

Fabien Clerc est un artiste polyvalent, à cheval entre deux cultures, colombienne et suisse, et qui œuvre à la croisée des identités et de leurs références. Par le passé, il a été musicien et organisateur de soirée, mais il est aussi plasticien, en particulier céramiste, pratique qu'il enseigne également. Par le truchement de la migration des formes et de leur hybridation, qu'il s'approprie, assemble et entremêle par superpositions ou collages, il se joue des catégories (cultures « haute » et populaire) et des stéréotypes liés à une ethnie, à une pratique artistique ou à une esthétique.
Pour cette pièce sculpturale cinétique, il reprend à son compte le kebab, un objet hautement symbolique à couches multiples – aux premier et second degrés – pour mieux en décortiquer et réinterpréter les strates. Si le kebab est bien un plat turc, ce n'est ni à Ankara ni à Istanbul qu'il a été créé et qu'il s'est imposé, mais à Berlin au sein de la diaspora. De nourriture bon marché destinée à la classe ouvrière, le kebab est devenu, en réaction au racisme, un symbole de résistance politique. Ironie du sort, il s'est d'ailleurs à ce point intégré à la société allemande, qu'il en est devenu une partie de son identité culturelle. S'il nourrit les noctambules, à travers lui, c'est le monde de la nuit qui transparaît, avec ses errances, ses rituels propres et ses fantasmagories.
Plastiquement, sa forme est unique, voire iconique : cylindre imparfait, entre la colonne et le tas, il reluit et suinte, en tournant sur lui-même. Il mélange une dimension attirante et repoussante à la fois, il bouscule les catégories, car il est ambigu, punk et civilisé, sauvage et rassurant. Cette ambivalence demeure en son cœur : l'artiste a conservé sa masse luisante, mais l'a transposé en œuvre délicate et fragile, le kitsch du vernis imitant la graisse qui coule, il resplendit du savoir-faire de son exécution. L'artiste, via son œuvre, rend hommage à cet objet, totem ou tabou, de nouveaux rituels, diurnes et nocturnes.

Yves Christen