En juin 2003, durant le sommet du G8 à Évian, Genève connut, en marge des manifestations officielles, des journées d'émeutes avec d'importantes vagues de violence ; en prévision des problèmes qu'allaient engendrer ces manifestations et dans la crainte des débordements, la ville – et principalement ses banques et ses magasins de luxe – se barricada derrière des palissades, plongeant l'espace urbain dans une atmosphère aussi étrange que tendue, ou mieux dans un temps suspendu. Témoin de l'événement, Jacques Berthet entreprit une vaste campagne photographique sur cette cité devenue ville fantôme. En y retirant toute vie humaine, le reportage de l'artiste se charge d'une forme d'abstraction ; la ville se trouve ici comme abandonnée, délaissée, sa représentation incongrue devient l'objet d'un imaginaire, de possibles récits ou interprétations. Se rapprochant des procédés de la Nouvelle Objectivité, saisissant son sujet – la palissade – dans une stricte frontalité et l'usant dans sa répétition, l'artiste épuise son motif jusqu'à le transformer en objet de fiction.
Stéphane Cecconi