Objet 54 : 9

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Défense sculptée d’autel royal
Nigeria, royaume de Bénin
Edo. Vers 1735, règne de Oba Eresonyen.
Ivoire, traces de brûlures. H 155 cm, Ø 12 cm.
Acquise en 1949 auprès de la galerie Berkeley de Londres. Saisie pendant le sac de la ville de Bénin en 1897.
MEG Inv. ETHAF 021934

Notice

Cette majestueuse défense d’éléphant, sculptée pour orner un autel edo consacré aux ancêtres royaux, est l’une des plus anciennes conservées en Europe. Elle est emblématique d’un art de cour étroitement lié à l’Oba , le puissant souverain du royaume de Bénin, jadis influent et prospère.

D’après la spécialiste Barbara W. Blackmun, il s’agirait de l’une des premières défenses entièrement sculptées ; les motifs qui la couvrent honorent vraisemblablement Oba Akenzua I, monarque guerrier et père d’Eresonyen.

Brûlée sur l’une de ses faces, la défense porte les stigmates du grand incendie qui détruisit presque entièrement la cité de Bénin lors de l’expédition punitive britannique de 1897. En effet, de nombreuses défenses qui avaient été descendues de plusieurs des autels ancestraux ont été gravement brûlées. Elles avaient été ensuite couchées à même le sol dans une cour centrale extérieure du palais de l’Oba, non loin d’un bâtiment royal abritant désormais un hôpital pour les soldats blessés britanniques. Un vent puissant, l’harmattan, se leva et les bâtiments palatiaux en bois prirent feu. Les patients de l’hôpital furent évacués mais certaines des défenses placées les plus près des bâtiments en feu furent sévèrement brulées. Cette carbonisation rend difficile la lecture des motifs sculptés en surface. Comme des milliers d’autres objets royaux, la défense appartenant aux collections du MEG fut saisie par le corps expéditionnaire, puis vendue à Londres.

Au royaume de Bénin, l’Oba est considéré par ses sujets comme un être divin aux fonctions sacrées. Son fils aîné et successeur installe sur l’autel ancestral dédié aux mânes royaux les pièces commémoratives qui ont été commandées aux corporations d’artisans bronziers et ivoiriers installés dans la cité : des bâtons hochets, des cloches, des épées de cérémonies, des plaques et notamment des têtes en laiton (dites « en bronze ») au sommet desquelles une ouverture est pratiquée pour y insérer la base d’une défense d’éléphant ornée d’une iconographie complexe en champlevé. Les personnages représentés sur la courbure extérieure de la défense sont les plus importants. Ils célèbrent les conquêtes victorieuses du royaume de Bénin. La figure principale, au centre de la défense, est l’Oba Ozula I le Conquérant. A ses côtés se trouvent des personnages militaires à la fois edo, mais également européens. En effet, les Portugais et les Hollandais avaient prêté main forte, dès le 15e siècle, aux rois de Bénin pour étendre et protéger leur royaume. Ainsi, on reconnaît des négociants et des guerriers hollandais dans les personnages à cheval ou les archers. D’autres registres mettent en scène des prêtres, des serviteurs, des marchands, des musiciens ou encore des figures animales de léopards, de crocodiles, de poissons, d’oiseaux, etc. La figure héraldique à queue de poisson et coiffée d’une couronne d’où jaillissent deux crocodiles est une référence aux anciens souverains de Bénin déifiés.

Les autels consacrés aux rois edo de Bénin se trouvaient autrefois dans des enclos séparés composant un sanctuaire, à l’intérieur de l’enceinte palatiale. Après le sac de la cité, l’Oba Ewaka II, remonté sur le trône, réunit tous les autels ancestraux et les fit rénover. La mémoire des dynasties royales fut ainsi restaurée dans sa permanence, gage essentiel de la préservation de l’identité des Edo en tant que nation malgré les assauts de la colonisation. En 1979 fut couronné Erediauwa, le 38eme Oba de Bénin.


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