Objet 48 : 2

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Marotte kébé kébé
République du Congo, cuvette du Congo, rivière Kuyu
Kuyu. 19e siècle ou début du 20e siècle
Bois polychrome (alstonia congensis?). H 58 cm
Don du peintre et collectionneur Émile Chambon en 1981
MEG Inv. ETHAF 044391

Notice

Les marottes connues sous le nom de kébé kébé ont été longtemps synonymes d’art kuyu jusqu’aux expositions du musée Dapper qui, à partir de 1986 ont révélé au public qu’il n’était que le troisième style d’un corpus plus composite. Ce style, selon la nomenclature établie par Anne-Marie Bénézech (Maîtrise EHESS, 1983) rassemble des pièces comme les premiers collecteurs ont pu les voir, d’autres fabriquées à l’usage des Européens mais encore proches des originaux, certaines enfin, plus tardives et plus sommaires.
La coiffe-casque en l’occurrence surmontée d’un animal, est l’une des six formes de coiffes traditionnelles du style III, presque toutes percées de trous assez profonds pour y planter des plumes. Sur le visage et le cou-collier l’agencement des peintures et des motifs sculptés est particulier à chaque pièce. Les dents taillées de biais témoignent d’un modèle dont on n’a pas d’équivalent en photo sur les vivants de l’époque. Les marottes tardives présentent d’ailleurs une dentition normale. Sous la gorge qui sert à fixer une longue robe de fibres, le manche, est ici intact ; les marchands et les collectionneurs l’ont malencontreusement scié sur nombre d’autres pièces. Or, les pouvoirs du kébé kébé sont concentrés dans le manche, selon Théophile Obenga (Littérature traditionnelle des Mbochi, 1984 p. 109). Son profil est ici régulier, pour s’enfoncer, on le suppose, dans le creux d’un prolongateur, de façon à élever la marotte plus haut qu’un danseur pourrait le faire bras tendu. Certains manches présentent au contraire un renflement à la base qui évoque plutôt une poignée propre à assurer une prise solide quand il s’agit de tournoyer à ras du sol. On trouve aussi des formes intermédiaires pour les manches ce qui pourrait correspondre à une période d’évolution de la danse elle-même. A l’origine, ordre rituel de pas et de figures alternant montées et descentes, elle se serait transformée en prouesse – de plus en plus haut, mais avec une tête plus petite – ou en concours d’endurance au tournoiement. En suivant finalement cette dernière tendance, la danse du Kébé kébé est devenue au cours du 20e siècle la marque identitaire de la cuvette congolaise au Congo Brazzaville.
Il arrive ainsi aux marottes de représenter autre chose que les entités cosmogoniques originelles : des caractères (le vice, la vertu, etc.) des personnages-types (le milicien, le missionnaire, le colon) ou historiques (Pierre Savorgnan de Brazza, Le Général de Gaulle, Marien Ngouabi, Denis Sassou Ngesso).

Anne-Marie Bénézech

Bibliographie


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