Objet 40 : 29

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Pique de messier
Suisse, Vaud, Chablais, Yvorne
18e siècle
Bois, acier
L 221 cm, l 11,5 cm, ép. 3.5 cm
Collection Georges Amoudruz acquise en 1976
MEG Inv. ETHEU 102277

Notice

Le messier est le gardien des récoltes sur pied, de fruits, de céréales et de légumes. Il tient son autorité de la Société du Village ou de la Communauté, parfois des grands propriétaires ecclésiastiques, bref de l’ensemble des agriculteurs propriétaires. Les termes de mession (moisson) au 12e siècle et de messarium (messier) au 14e siècle sont des dérivés du latin messis. Avec sa pique et d’autres attributs de costume, le messier donnait du bâton, faisait reconnaitre les limites de parcelles et patrouillait, en charge de lutter contre le vol, l’incendie, les troupeaux errants, les maraudeurs. Dans l’aire alpine la culture céréalière a été bien plus importante jadis, et avant que le blé et la pomme de terre ne s’imposent, les champs en pente ou en terrasse, étaient semés de froment, orge, avoine et seigle. Le messier a aussi eu une fonction de témoin judiciaire et informait le percepteur.
Avant les municipalités, disons, 1850 et la mécanisation, vers 1880-1900, le moment estival des récoltes pouvait s’étaler dans une certain laps de temps, en relation avec l’étagement des vallées et avec la distribution des périodes de mûrissement, du Sud au Nord des Alpes. Moissonnées à la faucille et à la faux, les récoltes furent des grands travaux collectifs: récolte, battage, rôle des moulins, mise en réserve dans les greniers, pesages et ventes, tâches de cuisson dans les fours communs. Tout cela nécessitait le recrutement saisonnier d’ouvriers agricoles occasionnels, séjournant comme des travailleurs à la tâche, logés sur place, associés aux rites et aux fêtes des Moissons. De leur côté et simultanément les Communiers étaient occupés dans leur système de consortages et de corporations, à irriguer les prés, les vergers et les champs, selon un horaire décidé entre les consorts du bisse, par exemple. Ou bien occupés à l’entretien des chemins et des bâtiments civils, des chapelles et des ponts, comme c’était d’usage fréquent en Savoie et en Suisse romande. Les familles paysannes dans les anciennes Communautés de Bourgeois, par la rotation des corvées et par les règlements de surveillance de l’habitat temporaire étagé accomplissait aussi les moissons et récoltes, bien sûr.
Or certains villages, aux étages intermédiaires, étaient complétement ou partiellement inhabités en ces périodes estivales d’inalpe, de transhumance, de vendanges en plaine et d’émigration artisanale saisonnière. Les institutions du service collectif et du dévouement, avec des moyens frustes mais bien répartis dans les générations et sur le terroir connu, ont assuré le gardiennage des hameaux et l’entretien des points d’eau, des accès, la transmission des alarmes. La garde commune des bêtes (le chevrier, les bergers), des édifices religieux (le marguillier) et des cultures (le messier, le garde-champêtre) faisait partie des rôles masculins courants, tenus par des habitants nommés à cet effet et sous le contrôle des ayants-droits dont ils étaient les procureurs ou les assermentés.


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