En parcourant la rue du Môle le passant distrait ne verra probablement, en partie basse des murs pignons, que deux surfaces apparemment noires et rectangulaires, vides de toute représentation.
Connu pour son exploration dès les années 1980 de la couleur noire, Stéphane Brunner cherche à trouver, comme un certain nombre d'artistes de sa génération, l'essence de l'acte de peindre, en dehors de toute figuration. Même si depuis, les voies radicales du noir ont laissé place à la transparence des blancs et aux coulées d'aquarelles dirigées, sa recherche est la même, celle de l'organisation de la surface et de l'image.
Stéphane Brunner a travaillé en étroite collaboration avec des architectes en de nombreuses occasions. La question ici était de trouver comment poursuivre la composition architecturale de Jean-Jacques Oberson, mais dans un autre registre. Les deux éléments proposés, en continuité dimensionnelle avec la façade et avec les trois baies industrielles, redessinent un lien avec le sol et l'ensemble de la surface, mais avec une matérialité que la surface architecturale ne saurait proposer. Les panneaux de fibres de carbone furent fabriqués à l'atelier Décision SA, connu pour concevoir des structures composites parmi les plus innovantes, puis travaillés par l'artiste pour obtenir une surface composée de nuances et d'espaces déterminés géométriquement.
L'apparente uniformité du noir, la neutralité des formats et du rythme distribuant les panneaux sur le mur, excluent tout effet décoratif. Stéphane Brunner rappelle qu'il importe de « faire de la représentation de l'image non pas un spectacle mais une activité, un mouvement ... Bouger pour voir, se déplacer, ne pas compter son temps ». La rencontre avec ces peintures sans images peut être le lieu privilégié d'une expérience du regard.
Valérie Müller