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Bak, Bertille (Arras/France, 1983)


Tu redeviendras poussière, 2017
Vidéo
Vidéo, couleur, stéréo
Durée : 25'
Acquis en 2022

[n° inv 2022-082]

Collection du Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC)



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Une saine et belle ambiguïté, une tendresse ironique, un trouble partagé entre imaginaire absurde et réalité sociale et historique sont autant d'attrapes dans le travail de Bertille Bak. Dans ses vidéos, ses installations ou ses photographies, Bertille Bak porte un regard anthropologique ou ethnologique décalé, doux-amer sur des problématiques, qu'elle connaît intimement, comme une petite histoire dans la grande histoire du nord de la France : les mines, la désindustrialisation, le chômage, l'urbanisation des cités minières, la vieillesse. A partir de ce contexte familial, l'artiste s'est progressivement ouverte avec le même regard et la même démarche à d'autres communautés, rattachées à des mémoires culturelles, territoriales et identitaires spécifiques – des religieuses âgées dans un couvent parisien, des tsiganes à Ivry-sur-Seine, des habitants d'un quartier de Bangkok menacés d'expulsion. Un long travail de contacts, de dialogues et d'échanges permet à l'artiste de construire en collaboration étroite avec ses « sujets » la représentation d'une situation vécue, c'est-à-dire qu'elle compose avec ces communautés d'individus, souvent mis en marge, un récit singulier dénonçant par l'absurde des conditions de vie et de travail fragiles et iniques. Mais nous sommes loin d'un constat de défaite, au contraire, dans cette action collective le recours à l'humour et à l'ironie servent à donner une forme subversive au discours.

Dans « Tu redeviendras poussière », Bertille Bak reprend le contexte du bassin minier du Pas-de-Calais pour traiter un sujet qui la touche personnellement, la silicose, la maladie pulmonaire dont sont atteints les mineurs et dont souffrait également son grand-père. De manière détournée, mais avec le plus profond respect, elle aborde la déconsidération des pouvoirs publics envers ces anciens travailleurs dans leur lutte à l'octroi d'indemnisations professionnelles, calculées selon un barème, absurde, spécifiant le taux de poussières de silice dans leurs poumons. L'artiste pousse l'aberration de cette pratique médicale dans un récit, ici plus sombre, au rire jaune plus amer que dans ses précédentes œuvres (l'atelier de préparation des morts, les sacs à respirer, la parade mortuaire, le vendeur de rubans de deuil…), un récit qui met en scène les derniers mineurs dans leur ultime combat de reconnaissance face à l'injustice ultime à laquelle ils feront front. Et la taupe, aveugle souterraine visitant les morts, dans un ultime doigt d'honneur…

Stéphane Cecconi