Allan, Emily (New York/Etats-Unis d'Amérique, 1991)
Hennessey, Leah (Boston/Etats-Unis d'Amérique, 1988)

Leah Hennessey et Emily Allan sont comédiennes, auteures de théâtre et créatrices de séries. Installées à New York, elles performent sur les scènes, au théâtre, au musée ou en galerie, et diffusent leurs séries sur le web. En 2013, elles créent "Zhe Zhe" (zhe est un pronom neutre en anglais, comme iel), comptant une douzaine d'épisodes disjonctés qui suivent les aventures de personnages en quête de gloire en mode éclair, évoluant dans une esthétique camp (c'est-à-dire – en allant vite – queer et drôle). En résidence au Cern en 2019, les deux artistes s'intéressent aux personnages de Lord Byron et de Percy Shelley, dont la rencontre à la Villa Diodati à Cologny en 1816 est restée dans les annales de la culture européenne.

Avec l'épisode pilote "Byron & Shelley: Illuminati Detectives", les artistes se glissent dans la peau des deux illustres auteurs pour mener une enquête loufoque au bord du lac Léman. Un homme y aurait été transformé en pierre par une Lamia, espèce de monstre féminin mythologique porté sur la gent masculine. Sur mission d'une société secrète maçonnique, il s'agira de résoudre cette effrayante énigme: de quoi titiller la curiosité d'un début de XIXe siècle qui ne cesse d'osciller entre le besoin de mystique et d'irrationnel des uns et la nécessité d'ordre des autres! Autour des poètes – qui se soumettent à l'emprise successive de toutes sortes de psychotropes –, on retrouve Mary Shelley, John Polidori, Jeremy Bentham et de nombreuses allusions à des figures ayant bien existé, brossant le portrait d'une époque par un prisme hallucinatoire. Tout le monde s'enfonce dans une forme de folie assez hilarante, si ce n'était l'étrange parallèle qui se dessine entre la biographie réelle de ces deux poètes, leurs tribulations, leurs amours sulfureuses, leurs liens familiaux souvent tragiques et ce cocasse embrouillamini. On retrouve l'esthétique visuelle à la fois low-fi et drôlement élaborée de Hennessey et d'Allan, nous emmenant dans leur propre tournis, entre costumes romantiques et blouses de laboratoire, entre genre et sexe, leur talent se déployant dans un script mordant et tordant, libre et subversif.

Petra Krausz