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Bachmann, Caroline (Lausanne/Suisse, 1963)


Le Matin, 2022
Tableau
Huile sur toile de lin
Dimensions : 170 x 130 x 2.2 cm (chaque tableau); dimensions : 170 x 1560 x 2.2 cm (hors tout)

Acquis en 2023

[n° inv 2023-025_1-12]

Collection de l'Office fédéral de la culture (OFC), des Fonds d'art contemporain du canton (FCAC) et de la Ville (FMAC) de Genève, et MAMCO, Genève



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Crédits photographiques : Annik Wetter Photographie, Les Acacias
 

En 2013, Caroline Bachmann engage son travail dans une nouvelle voie. En rupture avec l'art de son époque, elle se tourne vers la peinture moderne de la fin du XIXe siècle – celle notamment d'Hans Emmenegger ou Félix Valotton – dans laquelle elle retrouve des paysages aux couleurs lumineuses et subtiles, à l'image de celui qu'elle a devant les yeux depuis sa fenêtre, ouverte sur le lac Léman, cerné par la couronne majestueuse des sommets alpins. Simplifiées à l'extrême, les formes synthétiques des paysages de Bachmann rattachent sa peinture au courant du symbolisme. En privant ses œuvres de toute présence humaine, comme de tout détail qui renverraient à la réalité, l'artiste dit vouloir évacuer le sujet, pour mieux se concentrer sur le processus de la peinture elle-même.
A partir de croquis rapidement esquissés au crayon gris à sa fenêtre, et renseignés par de simples annotations de couleur, c'est ensuite à l'atelier, de mémoire, qu'elle traduit sur la toile – par des superpositions transparentes de peinture à l'huile – les sensations laissées par un paysage sublime évanescent. Ses vues de paysages sont également ceintes d'un cadre aux formes rondes, chaque fois renouvelé et peint directement sur la toile. Elle emprunte ce dispositif caractéristique au peintre américain Louis Michel Eilshemius, actif au tournant du siècle dernier, qu'elle découvre par le biais de ses recherches sur Marcel Duchamp, et pour lesquels elle se passionne. Si l'intégration d'un point de vue contraint chez Eilshemius ou Duchamp ("Etant donnés : 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage", 1946-1966) est chez ces derniers de l'ordre de la pulsion scopique, ce dispositif traduit chez Bachmann l'idée de la série, ici celle construite à partir du point de vue – toujours le même – qui s'offre à elle au travers de sa fenêtre, donnant à voir la variabilité infinie des effets atmosphériques sur la perception du paysage.
Un autre point important structurant de la production picturale de Bachmann est son développement à partir des quatre grandes catégories classiques de la peinture du XIXe siècle : le paysage, le portrait, la nature morte et la peinture d'histoire, desquelles les femmes étaient majoritairement à l'écart et qu'il faut comprendre comme une prise de position féministe de l'artiste.
La peinture "Le Matin", 2022, composée de 12 toiles représente le moment du lever du soleil depuis le Napf, un sommet offrant une vue à 360° sur le territoire suisse, depuis le Jura au nord jusqu'aux Préalpes au sud, avec au premier plan le chevauchement de nombreuses lignes de crêtes, et au loin en contre-jour, certains des plus hauts sommets des Alpes centrales dans un ciel encore dans la pénombre. Si "Le Matin" est pour l'artiste, la mémoire recomposée d'un moment vécu exceptionnel, le panorama fait aussi partie d'un format de peinture particulièrement prisé au XIXe siècle en Suisse et en Europe, idéal pour la transcription d'un paysage proche de la réalité. Mais ici à l'inverse, la peinture de Bachmann cherche à transcender ce réalisme pour traduire la puissance de la beauté de la nature sous la forme d'une expérience intérieure

Manuella Denogent