Johan Grimonprez mêle et brouille les frontières entre documentaire et fiction, subjectivité et objectivité. Ici, l'artiste montre la confrontation de deux visions du monde, l'une occidentale, pétrie de raison et de sciences, l'autre, représentée par une ethnie de Nouvelle Guinée et nourrie par les mythes et les croyances locales, pour qui, par exemple, la forêt vierge n'est pas tant une expérience visuelle que sonore. Le titre évoque la question posée, à son grand étonnement, au réalisateur, lorsqu'il débarqua dans cette région très reculée. C'était sans compter qu'en 1959, une équipe de scientifiques y atterrit pour la première fois : les peuples locaux, n'ayant eu à l'époque aucun contact avec le monde extérieur, crurent d'abord entendre le cri d'un animal ou l'esprit des morts, alors qu'il s'agissait du bruit assourdissant d'un hélicoptère. Les indigènes peuvent néanmoins retourner le miroir avec ironie : « Nous ne disons jamais tout, nous gardons toujours quelque chose pour l'anthropologue suivant. »
Yves Christen