ETHOC 054288

peinture sur écorce

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054288
Nouveau cartel pour l'exposition temporaire 2017:
Warrukay (Barracuda), peinture sur écorce
par Mowarra Ganambarr (1917-2005)
Australie, Territoire du Nord, Terre d'Arnhem, Rorruwuy
Yolngu, clan Datiwuy, moitié Dhuwa. Fin des années 1990
Écorce d'eucalyptus, pigments, bois, fibres végétales. L 150 cm l 68 cm
Acquis de Claude Albana Presset en 2001 ; acheté en 1998 au centre culturel Buku-Larrnggay Mulka à Yirrkala
MEG Inv. ETHOC 054288


Ancien cartel (exposition de référence):
Warrukay (Barracuda), peinture sur écorce de l’artiste Mowarra Ganambarr (1917-2005)
Australie, nord-est de la Terre d'Arnhem, Rorruwuy
Yolngu , clan Dätiwuy, moitié Dhuwa. Fin du 20e siècle
Écorce d’eucalyptus, pigments, bois. H 150 cm, L 68 cm
Acquis de Claude Presset en 2001; collecté par elle chez Buku-Larrnggay Mulka à Yirrkala
MEG Inv. ETHOC 054288
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Notice 2017:
Le barracuda, considéré comme un être ancestral, est représenté avec ses petits, évoquant les liens de parenté. Deux contenants funéraires sont visibles: les os des défunts sont traditionnellement placés dans ces contenants fabriqués à partir de rondins creusés, sculptés de manière à ressembler à un barracuda aux larges mâchoires et aux dents acérées. On représente ainsi la férocité et l'extraordinai¬re capacité de chasse, tant des barracudas que du clan Datiwuy.

Ancienne notice:
Mowarra Ganambarr est né en 1917 à Rorruwuy et décédé en 2005. Il servit, durant la Deuxième Guerre mondiale, Ganambarr dans l'Unité spéciale de reconnaissance du Territoire du Nord, menée par l'anthropologue Donald Thomson, qui patrouillait le long des côtes nord-est à l'affût d'incursions japonaises. Marié à sept épouses, père de 35 enfants, et ayant près de 200 petits-enfants et arrière-petits-enfants, il était un aîné yolngu hautement respecté à l'autorité incontestée. Dans les années 1970, en réponse aux conséquences sociales dramatiques de l'implantation minière dans la péninsule de Gove et à la nouvelle politique fédérale d'autodétermination pour les communautés aborigènes, Mowarra et d'autres dirigeants claniques quittèrent les anciennes missions au cours d'une délocalisation massive connue sous le nom de «Homeland Movement». Il fonda trois outstations, des petits campements satellites situés sur les terres traditionnelles de sa famille, dont celle de Rorruwuy et celle de Nyinyikay, où il est enterré. Depuis l’outstation de Rorruwuy, sur la baie d 'Arnhem, il a longtemps administré le pays qui l'avait vu naître. Ganambarr reçut, en l'an 2000, la médaille de l'Ordre australien pour sa contribution à l'art et son dévouement à la communauté aborigène. Ses funérailles, où un hommage militaire lui fut rendu, durèrent plus de trois semaines et réunirent des centaines de participants.

Son travail artistique, quant à lui, avait été reconnu dès 1947, quand l'anthropologue Ronald Berndt visita pour la première fois la région et commanda aux hommes initiés une série de dessins au crayon sur papier. Il fit partie des quarante-sept artistes yolngu à avoir participé à la célèbre exposition «Saltwater: Yirrkala Bark Paintings of Sea Country». Cette dernière débuta en septembre 2000 au Musée maritime national de Sydney et était destinée à montrer les liens qui existaient entre les Yolngu et leurs territoires maritimes, afin d'initier une revendication sur les zones de marnage. Comme l'explique Jessica De Largy Healy, «en juillet 2008, la Haute Cour australienne reconnaissait les droits exclusifs des Yolngu sur la zone de marnage de la baie de Blue Mud, à l'ouest du golfe de Carpentarie. Cette victoire juridique, qui concernera à terme 80% du littoral du Territoire du Nord, restitue pour la première fois aux peuples de l'eau salée l'autorité sur la gestion et l'usage des ressources naturelles de leurs espaces maritimes.»


Cette peinture représente le territoire d'eau salée du clan Dâtiwuy, tandis que l'écorce en représente le territoire d'eau douce. Le barracuda, qui est considéré comme un être ancestral par les Yolngu, est ici représenté avec ses petits, évoquant les liens de parenté. Deux contenants funéraires sont visibles: les os des défunts des deux clans Dâtiwuy et Naymil sont traditionnellement enterrés dans ces contenants fabriqués à partir de rondins creusés, sculptés de manière à ressembler à un barracuda aux larges mâchoires et aux dents acérées. On représente ainsi la férocité et l'extraordinaire capacité de chasse, tant des barracudas que des Dâtiwuy. Mowarra a expliqué en la présence de quelques-uns de ses trente-cinq enfants que ces clans vivaient encore sous la Loi ancestrale, avant qu'ils n'acceptent la Bible qui a apporté la pacification dans la région. Cette ancienne Loi leur permettait de repousser les attaques et les incursions d'autres groupes aborigènes, et d'étrangers européens ou indonésiens qui n'avaient pas la permission de fouler la terre Dâtiwuy.

Le nom spécifique de ce larrakitj (contenants funéraires) est gupumbu. Le rituel funéraire yolngu prévoit que les os des défunts soient placés dans ce contenant quelques années après sa mort, lorsqu'on est certain que son esprit a rejoint le réservoir des âmes. Ce dernier est le lieu d'où émanent les âmes et où elles retournent après la mort. La cérémonie larrakitj attirait de nombreuses personnes célébrant la mémoire du défunt, en accord avec le gurrutu - l'obligation basée sur les liens de parenté. Ensuite, le contenant était abandonné aux éléments et le cycle funéraire prenait fin. Dans cette peinture, on peut voir le sac dilly symbolisant cette Loi, ainsi que le wänga, la maison du barracuda.

Le dessin montré ici se réfère à l'eau salée en mouvement qui contient les éléments nécessaires à la vie. Balawurr e st le nom de cet état d'eau agitée et riche. Les hachures blanches entrecroisées, qu'on peut distinguer à l'intérieur des mâchoires des poissons, symbolisent leur attitude menaçante.

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Les Aborigènes d'Australie

Au 19e siècle, les Aborigènes furent classés comme les plus primitifs de la Terre. Ne pratiquant ni l’agriculture, ni l’élevage, ni la métallurgie, ni le tissage, ces chasseurs-cueilleurs étaient jugés dépourvus de toute sensibilité artistique. Plus tard, des recherches anthropologiques menées sur le terrain ont montré que la réalité était différente et ont révélé des cultures raffinées et sophistiquées.

La peinture nous dit qui nous sommes

Les Aborigènes racontent qu’autrefois, pendant le Temps du Rêve, des êtres mythiques sortirent des profondeurs d’une terre jusque-là indifférenciée. En voyageant, ils laissèrent les traces de leur passage et de leurs actions donnant forme au paysage et au ciel. Ils nommèrent les lieux et les animaux, séparèrent les animaux des humains et instituèrent les lois régissant leur société.

Dans la Terre d’Arnhem, la peinture – qu’elle soit réalisée sur les parois rocheuses, les objets sculptés, les écorces ou sur le corps des participants à un rituel – témoigne du lien étroit entre les Aborigènes et les êtres ancestraux. Elle exprime leur attachement à la terre, leur vision du monde et leur identité.


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