ETHEU 066344

laisser-passer, manuscrit d'un paysan-marchand de bétail

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066344
Laisser-passer
France, Haute-Savoie, Vallorcine
1794
Écriture manuscrite sur papier
l 17.2 cm, H 11.6 cm
Collection Georges Amoudruz acquise en 1976
MEG Inv. ETHEU 066344



Géolocaliser l'objet
Au 18ème et au 19ème siècle, les passeports pour l'intérieur, ancêtres des documents d’identité, se succèdent et se chevauchent à chaque changement de régime politique.
Ces formulaires donnent des précieux renseignements sur les voyageurs. Y figurent la description du demandeur, son âge, le lieu de naissance et de résidence, les motifs du déplacement, les témoins d’identité et ou de probité.
Ces laisser-passer pouvaient coûter l'équivalent d'une journée de salaire et étaient demandés seulement par ceux qui franchissaient les limites de leur canton et qui avaient une raison valable de le faire. Il s’agit de documents précieux pour les historiens car ils permettent de retracer les trajectoires et les habitudes individuelles et collectives de nombreuses catégories socio-professionnelles.

Les colporteurs, et les cordonniers-rémouleurs, par exemple, faisaient d’année en année la même tournée, changeant de village à date fixe. Ils étaient des voyageurs plutôt solitaires travaillant souvent sans aide. Il s’agissait aussi de personnes ayant pour la plupart un certains niveaux d’instruction.
D’autres artisans (tailleurs, menuisiers, cordonniers, matelassiers, ...) n’ayant pas de boutique ou à la suite de commandes particulières, pouvaient s'installer chez leurs clients. Si la mission était suffisamment longue ils se déplaçaient avec les membres de leur famille. La pratique reste attestée jusqu’aux années 1950-1960 quand on assiste à une féminisation de ces professions puis à leur déclin.
En plus de métiers itinérants proprement dits, des travailleurs spécialisés comme les maçons, charpentiers, charbonniers et cantonniers, pouvaient aussi faire des déplacements réguliers en fonction de recrutements spécifiques liés à leurs compétences. Ils voyageaient alors en groupe en s’appuyant parfois sur le réseau du compagnonnage.

Si dans les villes certaines catégories de femmes (artisanes, ouvrières, nourrices) affichent différents degrés de liberté dans leurs mouvements, dans les campagnes les longs déplacements sont plus rares.
Les documents établis au seul nom d’une voyageuse sont rarissimes, car la société traditionnelle éloignait tant que possible les femmes des grands chemins.
Certaines d’entre elles partagent les papiers de leur mari ou de leur père dans le cadre d’un déplacement familial. Si les documents sont généralement individuels, le mari, la femme et les enfants au-dessous de seize ans peuvent toutefois y figurer ensemble. Par contre les domestiques d’une maisonnée suivant leurs employeurs doivent absolument présenter leur sauve-conduit personnel.
Les veuves sont considérées à part, elles peuvent plus facilement se substituer à leur conjoint et voyager seules pour des raisons liées à des activités économiques reconnues.
Les autres femmes qui s’aventurent sur les longues routes y sont poussées par la nécessité, il s’agit le plus souvent de mendiantes ou de femmes exerçant des échanges bien particuliers comme celui des plantes et animaux médicinaux (sangsues, tisanes, décoctions) ou celui des talismans (bagues de Saint Hubert, amulettes de dentition, épingles de pardons …), elles voyagent alors à plusieurs.

Un peu partout sur le continent, les phénomènes migratoires se construisent sur de fortes solidarités à la fois régionales, villageoises, familiales, et professionnelles. Parfois des mariages réunissant des époux originaires de villages éloignés servent de point de départ pour un mouvement de population de moyenne et de grande envergure.
Ces filières et ces réseaux permettent aux voyageurs inexpérimentés de prendre la route dans une relative sécurité, d’y trouver des lieux d'hébergement et de pouvoir compter sur un travail à l'arrivée.
Il n'est pas rare de voir les mêmes vallées ou les mêmes hameaux fournir, pendant des générations, des forces vives au travail des mêmes villes ou villages.
Dans de nombreuses zones rurales les petits exploitants associent souvent à leur labeur de paysan une autre activité artisanale ou commerciale. Elle se transmet en héritage aux membres de la famille qui parfois louent simplement en alternance leur service en tant qu’ouvriers agricoles, se déplaçant en fonction des récoltes et des moissons.
Tout particulièrement entre le début de l’été et la fin de l’automne l’Europe s’animait de déplacements qui pouvaient rester dans les limites des départements ou s’en éloigner considérablement. Pour les calvarniers, sapeurs, soyeurs ou piqueurs, les moissons étaient considérées comme « le travail le plus urgent et le mieux rétribué de l'année, la plupart des gens d'un métier autre que la culture dans les villages, l'abandonnaient pendant un mois pour se livrer à ce travail, tels les maçons, les charpentiers, les menuisiers, étant aussi dans l'obligation de ne pouvoir pratiquer leur métier ordinaire pendant ce temps, puisque les cultivateurs, entièrement absorbés par leurs travaux de moisson, ne pouvaient s'occuper de charrier les matériaux dont ces artisans ont continuellement besoin là où ils opèrent. Les cantonniers des routes, eux-mêmes, avaient un congé d'un mois, donné par leur administration pour leur permettre également d'aider à la moisson."(Le patois briard , Auguste Diot, Société d'Histoire et d'Archéologie de l'Arrondissement de Provins. 1930).

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Sur les routes et les chemins

Des moyens de transports anciens et modernes cohabitent dans les Alpes jusqu’aux années 1950. Les déplacements s'organisent en fonction du relief, du chargement et du type de production. Hommes, idées et marchandises franchissent des distances considérables malgré les frontières naturelles et politiques. Ces échanges économiques favorisent le développement d’identités professionnelles comme celles des muletiers, des colporteurs ou des anchoyeurs.

Le colportage

Dès le 17e siècle, les colporteurs vendent sur les chemins, même dans les lieux reculés, toutes sortes de produits, tels que livres, articles de mercerie, ustensile de cuisine, etc. Le développement des commerces urbains au 19e siècle réduit leur activité dans les villes, mais pas dans les campagnes où ils continuent à effectuer deux tournées annuelles. Généralement organisées au printemps et à l’automne, elles passent par les mêmes régions, entretenant un réseau de relations amicales et professionnelles. En tant que phénomène culturel et commercial, le colportage a été longtemps sous-estimé. Désormais, on reconnaît son importance et son influence sur les orientations du commerce contemporain.


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