Objet 68 : 13

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Bambou gravé kārè e tā illustrant la culture de l’igname et du taro
Nouvelle-Calédonie
Kanak. 19e siècle. H 153,5 cm
Bambou
Don de Nancy Anne Balleidier en 1937
MEG Inv. ETHOC 020507

Notice

Avec vingt-six spécimens, le MEG possède la deuxième plus importante collection de bambous anciens de Nouvelle-Calédonie, après celle du musée du quai Branly, qui en compte soixante-quatre. Comme leur nom l’indique, il s’agit de tiges de bambous, de longueur et de diamètre variables, incisés ou pyrogravés. Recouverts de motifs géométriques et figuratifs, ils illustrent avec beaucoup de précision et d’adresse aussi bien les multiples aspects de la vie quotidienne des Kanak que l’irruption des Européens au 19e siècle. Selon le missionnaire et ethnologue français Maurice Leenhardt, lorsque les Kanak s’aventuraient hors de leur village, ils emportaient avec eux un bambou gravé comme viatique pour se protéger des dangers de la route. Des herbes magiques, censées assurer leur protection, y étaient enfermées. Les vieux l’utilisaient en guise de bâton de marche et, à travers ses dessins, détaillaient les hauts faits ou les malheurs des ancêtres. Pour leurs détenteurs, ces objets étaient aussi des aide-mémoire visuels, des supports destinés à rappeler un événement important, comme des rouleaux où inscrire leurs «impressions les plus vives pour les faire partager à d’autres». On les a alors appelés «bambous gravés», ce qui est finalement «le seul nom que le Canaque lui ait jamais donné» ou ka-rè e ta en langue ajië comme le rapporte la légende Les deux sœurs Moaxa.

Pour comprendre le langage des bambous gravés, nous devons nous replonger dans la Nouvelle-Calédonie du 19e siècle. Ces véritables bandes dessinées permettent de dresser l’inventaire des activités matérielles et religieuses des Kanak, mais également d’illustrer la vie des colons: rares sont les bambous sur lesquels ne sont représentées que des scènes traditionnelles. En les examinant attentivement, on peut y reconnaître des évocations de la vie quotidienne: la pêche, la chasse, la culture de l’igname et du taro, le village avec l’allée de la Grande Case, mais également les mythes, les rites, des pilou et des scènes de deuil. Mais les graveurs ont représenté tout ce qu’ils voyaient, et comme les principaux centres d’occupation coloniale et missionnaire se trouvaient à proximité des villages kanak, ils se sont attachés à décrire aussi la vie coloniale dans ses nombreux aspects: la maison coloniale avec son toit à quatre pentes, le cheval monté ou attelé à un buggy, les bateaux à voile ou à vapeur, les outils agricoles ou ceux du charpentier, les expéditions punitives, le fusil, l’uniforme militaire, l’alcoolisme des soldats français. Recueillis entre 1850 et 1920, les bambous kanak remontent principalement au 19e siècle et leur production s’est vraisemblablement interrompue vers 1917, date de l’une des grandes révoltes anticoloniales en Nouvelle-Calédonie.

Bibliographie


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