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Textes de l'exposition

B - Le temps du soin et de la réparation

Les Parties reconnaissent que l'action pour l'adaptation devrait […] tenir compte et s'inspirer des meilleures données scientifiques disponibles et, selon qu'il convient, des connaissances traditionnelles, du savoir des peuples autochtones et des systèmes de connaissances locaux […]. (Accord de Paris sur le climat, 2015, Art. 7.5)

Les peuples autochtones gèrent leur environnement à travers une éthique du soin et une culture de la réparation. C’est à ce titre qu’ils contribuent à la réalisation de l'Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable. Une grande partie d’entre eux sont vulnérables aux changements climatiques en raison de leur relation étroite avec la faune, la flore et les écosystèmes pour leurs besoins alimentaires, médicaux et culturels. Les peuples autochtones protègent les terres, l'eau, la biodiversité et les écosystèmes grâce à leurs savoirs et savoir-faire, continuellement réévalués et renouvelés. Ces derniers font partie intégrante de leur culture et englobent la langue, la classification des plantes, les interactions sociales, les rituels et la spiritualité. Quand les peuples autochtones possèdent et contrôlent leurs terres, l'environnement et la biodiversité sont mieux protégés.

Honorer l'eau

The Water carriers her, she carries the Water (L'eau la porte, elle porte l'eau)
Par Elizabeth LaPensée (1984-)
Anishinaabe
États-Unis, Minnesota
2016
Illustration extraite du jeu vidéo Honour Water (Honorer l'eau)
Avec l’aimable autorisation de l’artiste
© Elizabeth LaPensée

En 2017, des dizaines de femmes parcoururent à pied plus de mille kilomètres le long du fleuve Missouri pour soigner ses eaux. Comme de nombreuses femmes avant elles, elles participaient à une marche pour l’eau ou Nibi Walk. Ces marches sont ancrées dans les pratiques cérémonielles des Anishinaabeg en Amérique du Nord. Les participantes identifient les rivières les plus gravement touchées ou menacées par la pollution. Elles recueillent l’eau à la source et la transportent ensuite, dans un récipient en cuivre, sur des centaines de kilomètres en chantant jusqu’à l’embouchure de la rivière. Elles y déversent l’eau de la source dans l’espoir que les générations à venir puissent bénéficier d’une eau propre et pure. Alors que l'eau douce est menacée de toutes parts, Elizabeth LaPensée, développeuse de jeux vidéo et chercheuse, a conçu le jeu Honour Water (Honorer l’eau) afin de diffuser des chants destinés à guérir les eaux et pouvant être partagés par tous les peuples.

Déclaration de l’artiste Elizabeth LaPensée

«On m’a appris que nous sommes tous côte à côte et que lorsque nous entrons en compétition avec nous-mêmes plutôt que les uns avec les autres, nous nous élevons, comme tous ceux à nos côtés. Honour Water est en souvenir de Mary Renville, une ancienne de la nation White Earth, dont la demande pour un moyen de se remémorer les chansons de l’eau par le jeu a reçu en réponse un jeu créé avec Sharon M. Day, une aînée des Ojibwe de Bois Forte dépeinte dans Nokomis Tends the Lands with Waters in Hand ainsi que les Oshkii Glizhik Singers et des aînées anishinaabeg. Ces Anishinaabekwewag (femmes anishinaabeg) se sont réunies comme dans The Women, They Hold the Ground pour créer des chants qui peuvent être partagés avec tout le monde. Nous nous sommes demandé ce que nous pouvions offrir afin de guérir les eaux. Et bien que vous puissiez distinguer six femmes debout les unes à côté des autres, il y a aussi une septième – Grand-mère Lune. Elle est profondément liée au mouvement des eaux et nos chansons sont portées sur les eaux dans l’espoir du bien-être de tous.»
Elizabeth LaPensée

Soigner la réparation

En 2020, le Parlement européen a adopté une résolution sur le droit à la réparation des appareils électroniques qui valorise une double aptitude à réparer et à recycler les produits. Les designers, réparateurs, fabricants de produits électroniques, défenseurs des consommateurs et experts juridiques partagent de plus en plus leurs pratiques pour instaurer une culture de la réparation. Ces objets issus de la collection du MEG, ainsi que les photographies associées, soulignent la manière dont les populations – le plus souvent nomades ou semi-nomades – ont développé cette culture de la réparation en apportant un soin particulier à la sélection et à l’usage de matériaux servant à restaurer des objets blessés. Alors qu’un nombre croissant d’individus s’inquiète du fait que le monde dispose d'une quantité limitée de ressources naturelles, ces objets nous rappellent que nous pouvons réparer et recycler des matériaux afin de les transformer en nouvelles ressources durables.

Protéger l’algue marimo

L'algue marimo ne pousse que dans le lac Akan à Hokkaido, au Japon, et dans de rares plans d’eau de l’hémisphère nord. Cette espèce protégée est en voie d'extinction. Le lac Akan, dont l’écosystème entier est menacé, figure sur la liste des sites naturels remarquables du Japon. Pour mettre à l’honneur l’algue marimo, des doyens des communautés aïnoues, peuple autochtone d’Hokkaido, ont créé en 1950 le festival Marimo Matsuri. Cet événement est culturellement étranger aux Aïnous, qui n’avaient historiquement pas d’usage pour cette plante aquatique. Jusqu’alors, un autre festival de gratitude aux plantes d’usage commun avait cependant existé dans les pratiques autochtones. Sans lien avec la tradition, le Marimo Matsuri est remarquable puisqu’il a été intégré au calendrier rituel pour servir un message contemporain. Dès son origine, l’événement a été pensé tant pour lutter pour la préservation du milieu lacustre que pour rendre plus visibles les revendications de la culture locale.

Revitaliser les savoirs nautiques dans les Îles Marshall

Les ancêtres des Marshallais étaient des navigateurs expérimentés : des connaissances sophistiquées et des embarcations rapides leur ont permis d’explorer et de peupler de nombreuses îles de la Micronésie. À la suite des différentes colonisations (espagnole, allemande, japonaise et américaine), ces savoirs ont connu un rapide déclin. À partir de la fin des années 1980, Alson Kelen et l’association Waan Aelõñ in Majel – Pirogues des Îles Marshall – (WAM) travaillent à la revitalisation et à la transmission de ces connaissances. L’action de WAM s’appuie sur la construction de pirogues à balancier et de bateaux en fibre de verre pour rendre autonomes les jeunes avec des compétences durables. Les revenus générés leur permettent de contribuer aux besoins de leur famille et de leur communauté. Ce programme établit également des liens avec des organisations internationales qui s'intéressent à la navigation et au devenir des océans.

Tisser l’écorce de cèdre pour sauvegarder une langue menacée

Le Sm’algya̱x, la langue du peuple Ts’msyen de la côte nord-ouest des États-Unis et du Canada, est en déclin. En 2000, moins d’une dizaine de personnes la parlaient couramment à Metlakatla, sur l’île Annette, en Alaska. Face à ce constat, trois jeunes se mobilisent en 2015 pour créer la fondation Haayk qui a pour objectif de préserver, promouvoir et revitaliser cette langue en l’apprenant des anciens et en la transmettant aux jeunes générations. En parallèle, la pratique de la vannerie se perd elle aussi. La sauvegarder requiert d’acquérir des savoirs spécifiques sur les matières premières qui la composent, l’écorce de cèdre et différentes plantes herbacées, ainsi que sur l’environnement, les techniques de récolte et le tissage. La sauvegarde de leur langue en déclin permet ainsi aux Ts’msyen de prendre soin à travers elle de tout un système de pratiques et de connaissances liées aux écosystèmes et à la biodiversité.

Déclaration de l’artiste Kandi McGilton

«Je suis une artiste ts’msyen moderne solidement ancrée dans mon héritage. J’ai grandi pendant une période de grande résurgence culturelle à Metlakatla. Je suis une des co-fondatrices de la Haayk Foundation, une organisation à but non lucratif dont la mission est de revitaliser le sm’algya̱x. Il faut de la discipline, de la concentration et une précision très fine pour créer des ouvrages en perles éblouissants. Ma version moderne de sacs « devilfish » est connue pour son esthétique élégante, ses associations de couleurs raffinées et son utilisation créative de l’espace. En voie de disparition, la vannerie ts’msyen de l’île d’Annette que je tresse est unique, intégrant un élément très élaboré et visuellement frappant appelé fausse broderie. Je récolte du cèdre rouge, des fougères Adiantum et de l’Alpiste des Canaries pour créer des motifs de vannerie traditionnels. Mon travail artistique, mon apprentissage linguistique et mon aventure associative s’entrecroisent avec le travail de la Haayk Foundation dans un documentaire dont le but est la préservation de la vannerie d’Annette Island et du vocabulaire sm’algya̱x. Ces styles et idéaux avant-gardistes captent l’esprit ts’msyen d’innovation et de créativité.»
Mangyepsa Gyipaayg - Kandi McGilton


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