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Musée Ariana

Eric James Mellon

Aux confins de l’illustration céramique.



EUROPE ET LE TAUREAU


Europe, fille du roi de Tyr (Phénicie) est enlevée par Zeus-Jupiter qui s'est métamorphosé en taureau blanc, afin de l'approcher sans lui faire peur, et surtout pour échapper à la jalousie de son épouse Héra-Junon. Grimpant imprudemment sur le dos de l'animal, Europe est immédiatement emmenée sur l'île de Crète où elle donnera trois fils à Jupiter.


Mellon peint plusieurs variantes de ce mythe dès 1972. Europe est représentée nue, soit juchée sur la croupe du taureau ou présentée aux côtés de Jupiter. Deux animaux complètent souvent la scène : un chien, compagnon créé par Vulcain, le dieu forgeron, et cadeau de Jupiter à la jeune fille, et un paon, favori de la déesse Junon, qui épie silencieusement les infidélités de son mari. Le céramiste exprime son originalité avec humour en représentant parfois Jupiter qui tient un masque de taureau dans ses mains, tel un acteur qui s'apprête à endosser une nouvelle identité, et traduit ainsi visuellement l'acte de la métamorphose.

PERSÉPHONE ET PLUTON


Le thème de Perséphone et Pluton fait référence à un célèbre épisode de la mythologie gréco-romaine : le rapt de Perséphone-Proserpine, fille de Déméter-Cérès, déesse de l'agriculture, des moissons et de la fertilité, et de Zeus-Jupiter, roi des dieux, enlevée par son oncle Hadès-Pluton, souverain des enfers. Pluton, épris de sa beauté, enlève Perséphone et la conduit dans son royaume souterrain afin qu'elle devienne son épouse. Suite à l'intervention de sa mère auprès de Jupiter, Perséphone reçoit l'autorisation de quitter le royaume de Pluton, à condition qu'elle ne goûte pas à la nourriture des Morts lors de son séjour. Sur le point de rejoindre sa mère, Perséphone est dénoncée par l'un des jardiniers de Pluton dénommé Ascalapus. Ce dernier regrette aussitôt amèrement ses paroles puisqu'il est changé par Déméter en hibou. Jupiter déclare alors, en compromis, que sa fille passera six mois aux enfers, automne et hiver, et remontera au printemps et en été pour aider sa mère à redonner fertilité à la terre. Perséphone accepte son rôle de souveraine des enfers et incarne le cycle des saisons.

En 1976, suite au décès de son père, Mellon s'intéresse de plus près aux histoires concernant l'au-delà et à ce mythe. Dans la plupart de ses représentations, Perséphone nue, éveillée ou endormie, est escortée du hibou Ascalapus. Elle tient parfois dans sa main une grenade, fruit dont elle a imprudemment consommé les graines. L'histoire de ce mythe, dont l'action se déroule en Sicile, est longuement relatée par Ovide dans Les Métamorphoses, livres IV (417-494) et V (438-508).

SÉLÉNÉ / SELENE


L'iconographie de Séléné, déesse de la Lune, est très ancienne ; elle apparaît probablement dès le deuxième millénaire avant J.-C. dans la civilisation assyrienne et symbolise alors le début du monde avec son alter ego, le Soleil. Ensuite mentionnée au panthéon olympien, elle est peu à peu évincée par Artémis, au même titre que, dans la mythologie romaine, Diane remplace bientôt Luna. Plusieurs poètes de l'Antiquité (Apollonios de Rhodes, Pausanias, Virgile) se réfèrent à Séléné comme une déesse d'une grande beauté, mais surtout une amoureuse sincère et passionnée qui eut de nombreux amants, dieux ou mortels (Zeus, Pan, Endymion et d'autres encore).

ENDYMION ET SÉLÉNÉ / ENDYMION AND SELENE


En 2004, Mellon exploite le sujet mythologique d'Endymion et Séléné, renouant avec un mythe voisin (Daphné et Apollon) qu'il avait exploré déjà en 1958. Séléné, déesse de la lune, est aimée de Pan qui, prenant l'apparence d'un bélier blanc, l'entraîne dans les profondeurs d'une forêt d'Arcadie. Endymion, jeune prince, se reposant un instant au cours d'une chasse, s'est endormi. Séléné le voit et, captivée par sa beauté, lui vole un baiser dans son sommeil. Zeus accepte de conférer immortalité et éternelle jeunesse à Endymion, à condition que celui-ci reste éternellement endormi. Séléné doit venir contempler son amour endormi et, nuit après nuit, les rayons de la lune amoureuse viennent caresser le sommeil des mortels.

LA SIRÈNE / THE MERMAID


En 1970, suite à une rencontre avec la duchesse de Bedford qui lui commande un plat décoré d'une sirène, Mellon cherche avec frénésie dans les musées londoniens des modèles iconographiques pour cette figure. Il s'inspire finalement d'une sirène découverte sur une sculpture de la civilisation sumérienne, qui lui donne également des idées sur la déesse de la lune.


Dès lors, la sirène devient un personnage de prédilection et apparaît très fréquemment dans diverses situations et positions. Nue, elle présente à la fois des jambes et une queue de poisson, très stylisée, qui ressemble plutôt à une traîne étoilée. La sirène porte de longs cheveux bouclés, parsemés d'étoiles ; elle est parfois ailée, se trouve juchée sur un cheval ou sur une bicyclette, joue d'un instrument de musique ou semble simplement flotter dans l'espace. Elle est très souvent reliée à Séléné dans son disque lunaire, par la chevelure ou par son corps de poisson.


La sirène apparaît dans la mythologie de nombreuses civilisations et traverse les âges, présente dans le folklore, la littérature et la culture populaire de plusieurs pays.


Il semble que les premières histoires de sirènes apparaissent en Assyrie un bon millénaire avant J.-C. La déesse Atargatis, mère de la reine assyrienne Semiramis, tombe amoureuse d'un berger mortel, mais le tue accidentellement. Honteuse, elle plonge dans un lac et prend la forme d'une femme au-dessus de la taille et d'un poisson au-dessous.


La sirène représente aussi l'une des métamorphoses de la déesse de la lune, puisque lorsque la Lune veut rencontrer un humain, elle doit sortir de la mer et lui apparaître sous les traits d'une sirène.

Commissaire d'exposition: Isabelle Neaf Galuba